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Vague Intime

7 mai 2010

Flibuste 21 Texte et images digitales : Lou

Flibuste 21 

Texte et images digitales : Lou Florian 

© 2010 Lou Florian. Tous droits Réservés.

ISBN : 978-1-4457-0708-2 

°°- 

L’horizon mon vieux, c’est comme des plages de soleil pour les uns et des trombes d'eau pour les autres. A grands coups de seaux d'eau, je te dis ! C'est comme ça ! Y a comme une tempête qui gronde à l’horizon. Un grondement sourd. Ouvre bien  les yeux, l’ami. Regarde l’azur et le monde. Le soleil est de fer ici, et les nuages s’amoncellent là-bas, noirs et chargés de pluie. Des trombes d’eau, je te dis ! Et la main de l'homme n'y est pas pour rien.

Oui, je sais, le climat est déréglé. Mais l'être humain l'est aussi. Je te jure ! Comme parvenu à un seuil critique, déboussolé. Affolé. Aimanté. Constamment remis en question. Jusque dans son intégrité. Ébranlé jusque dans ses convictions les plus profondes.

Comme si tares et qualités venaient se confronter ! Se juxtaposer. Rivaliser. Y a qu'à lire les journaux. Bruits de bottes et manigances. Propagande à tous les étages et mensonges d'états. Au pluriel ! Rien ne va plus, ma bonne vieille Terre !

Et nous, nous chevauchons les mers, malgré nous, dans l’espoir d’épouser quelques rêves enfin réalisables, et pour échapper aussi à ces dures réalités. 

Mais nous avons bon espoir. Nos trésors et nos rêves sont en nous, inaliénables !

L'homme serait-il devenu fou ? Non, il l’a toujours été ! Les yeux clos et le cœur fermé, ivre de pouvoir et toujours prêt à tuer. Dis-moi, c'est quoi, au juste, un être humain ? Enfin, je veux dire, un vrai !

Il y a des temps comme ça… Et les artistes rebelles se retrouvent toujours à la croisée des chemins. Fragiles et sûrs à la fois, avec un talent dans les mains, sculptant l’avenir en tâtonnant vers la lumière, et dénonçant les chaos irréversibles. Hélas, si tu observes bien, et pour peu qu’il te reste des yeux pour voir, aujourd'hui l'artiste rebelle n'a plus la parole, parce qu'on a pris sa place et son rôle d'avertisseur, de maître fou, de génie déraisonnable, d'équilibriste judicieux entre des mondes saturés de folie mercantile et meurtrière.

Il y a des temps comme ça où le rebelle sincère se retrouve bien seul. Presque sacrifié, comme aujourd'hui, sur l'autel du nihilisme. Moi je te le dis, on vit une drôle d'époque !

Alors s’il te reste encore quelques forces et quelques espoirs, si l’envie d’un ailleurs te semble encore possible, rejoins-nous moussaillon ! Car le temps est venu d’agir ensemble ! Bienvenue à bord, nous venons d’embarquer ! Nous avons hissé nos voiles de liberté, et même si nous ne sommes pas parfaits, nous voulons naviguer !

Adieux rivages insolents, crève-cœurs et monde d’argent ! Nous allons confronter la création à la destruction, et allumer tous les espoirs. Et nous opposer à la destruction systématique de l'art et des pensées.

Nous voici, les yeux rivés sur la route initiatique qui nous est propre et qui curieusement aussi, à bien des égards nous est collective. A nous, âmes d'artistes ! Fidèles à nos rêves et toutes voiles devant, nous embrasseront les vents et tous les ports, et nous serons de toutes les marées.

Nous ne serons jamais plus vivants qu'en étant nous-même !

°°- 

Tu le savais déjà avant d’embarquer. Cette lueur, comme un phare toujours brillant à l’horizon, cet indicible appel qui rivalise avec le grondement sourd de tes silences, cette pulsation intérieure, cette addiction phénoménale qui va et vient en toi inexorablement, c’est l’inspiration !

Telle une amie intime, beauté secrète, elle ressurgit dans ta vie quand bon lui semble.

Grâce à elle, les artistes rebelles découvrent très vite leur motivation existentielle. Créer pour donner à voir ou à entendre ! Créer pour donner à rêver. C’est ça ! Parce que le rêve est l'une des fonctions fondamentales de tout être humain.

Tu le sais déjà, le rêve est une des multiples formes de notre réalité intérieure. Celle-ci, projetée dans notre univers tangible, sculpte à nos dépends, inexorablement, notre existence tant personnelle que collective.

Elle agit comme matière féconde de nos espoirs, matrice de nos réalisations les plus folles et de nos cauchemars les plus étonnants. Alors moussaillon, à toi de tracer ta route à travers tous ces océans !

Et surtout, n’oublie jamais une chose : Seuls les morts ne rêvent plus ! Et tu en rencontreras beaucoup ! Toi, tu respires encore et ton cœur bat inexorablement, bravant tempêtes et ressac. Tu n’as jamais été plus vivant ! 

Te voici à pied d’œuvre, voyageur infatigable.

Tu rencontreras souvent les ombres du pays des miroirs. Ces contrées solitaires où errent, tels des bannis, des milliers de visages blafards. Des individus perdus, hagards, confondant leurs fantasmes et leurs craintes avec tes œuvres sincères, s’identifiant à des promesses éteintes, des convictions viciées,  des souvenirs boiteux. Tous ces individus privés de rêves sont souvent des prisonniers volontaires. Ecoute-les parler, ils ont choisi leur destin !

Alors je te le dis sans crainte, tu ne peux rien pour eux, mais tu te dois d’exister.  Avec un peu de chance, tu éclabousseras l’un d’eux dans un éclat de rire, ciselant sur son visage quelques lueurs d’espoir et des étoiles dans les yeux.

Mais sois sans illusion lorsque au pays des miroirs se dessinent des sourcils froncés, des  sourires en coin, des colères étouffées. Dans ces contrées sauvages où le calme n’est qu’apparent, donner à voir c'est aussi confronter bien involontairement, comme dans un miroir justement, les visions individuelles, ces prismes de panique retenue, cette tension sous-jacentes cachée derrière les barreaux de leur cage. Ils ne le savent pas, mais ils ne sont plus maîtres de leur destin.

A bien les écouter, ils se repaissent de leur haine et sont difficiles à convaincre.

Au sombre pays des miroirs, les schémas intérieurs propres à chaque individu définissent leurs réactions momentanées et donc leur vécu. Ils ont les yeux fermés…

Allez, que je te rassure ! Créer c'est donner à voir inexorablement, comme par réflexe. Puisque incroyablement, tel une plante magnifique, et donc fragile, l'artiste rebelle est amené à se développer. L'âme en expansion au travers de l’œuvre même. D'où ces zones de doutes aussi. Que tu le veuilles ou non, tu es comme cette fleur sauvage forcée de s'épanouir ou bien de dépérir. A cause de ta nature !

L’artiste rebelle jardine sa terre intérieure par projection. Avide et impatient de la voir naître pour éclore lui-même au travers de ce jeu. L’œuvre est donc bien souvent ce reflet intérieur extériorisé. Sublimée par le talent.

Tu le sais bien, ta faculté de création est devenue ta respiration intime. Avec comme incompatibilité salvatrice, ou destructrice dans tes moments de doute les plus sombres, cette antinomie existant entre la volonté de créer et l'impossibilité de montrer ! De donner à voir et à entendre !

Heureusement, le funambule sur son fil déraisonnable marche parfois au-dessus des fanges des mondes où le rien passe pour être quelque chose et où le principal passe inaperçu. Sa mission, sa dimension, sa quête intérieure, c'est de s'en extraire par son art.

Rien d'étonnant alors qu'une faille béante s'installe entre lui et la rigueur cartésienne. Entre sa pulsation créatrice et les habitudes conceptuellement figées. Rien d'étonnant puisque ce n'est plus les mêmes mondes, les mêmes visions, les mêmes approches. Ce n'est plus seulement différent ou seulement contraire. Non, c'est bien plus encore ! C'est ailleurs ! Ailleurs ! Autrement ! Ce n'est pas le même langage, la même navigation, les mêmes buts. Et c'est la trace de génie qui fait la différence.

Et faut-il le souligner encore ? Quel gouffre gigantesque se creuse aussi avec ceux qui, déguisés judicieusement en artistes pour seuls motifs mercantiles, essayent de rivaliser en apparences. Qu'on se le dise, si l'argent n'existait plus, les vrais artistes continueraient de nous étonner encore. Et les escrocs quitteraient la place !

Donner à voir c'est donner à vivre ! La conception artistique est à ce prix-là ! Parcours initiatique. Route en perpétuel devenir !

Dis-moi ! A force de ramer par mont et par vaux, à force de nager à contre courant, à force de fatigue et de découragement parfois, à force de ténacité, ne sommes-nous pas devenus plus forts ? Au fil des ans, bien sûr ! Avec comme une brise légère derrière les oreilles, un relent de fierté ?

Alors je n'envie pas ceux qui badigeonnent toujours les mêmes toiles, sans âme et sans talent, à l'infini, afin de capturer dans leurs filets des touristes absurdes, près à payer pour un leurre, un simulacre de talent. Ah quelle honte ! Racler les fonds de porte-monnaie de ses semblables, et profiter de leur ignorance ! Et participer surtout à l'inculture générale ! Se trahir pour deux bouchées de pain, qui y a-t-il de pire pour des artistes ?

Tout comme, dans le même registre, je n'envie pas non plus ces misérables ploucs imbus de reconnaissance qui ont perdu leur âme et se la jouent facile, ces marionnettes à l’ego démesuré qui ont déjà oublié leurs vaches maigres d'antan, ces piètres individus toisant les autres de haut désormais, en ayant revêtu le déguisement de l'artiste bien en vue sur les planches du grand théâtre stupide et factice, la renommée reléguée au rayon des grands artifices.

Maigre pitance que la gloire, puisque passagère. Alors que le grand voyage ne faisait que commencer !

°°-

Ah ils ont bon dos, les truands de l'art ! Les proxénètes du presque beau ! Les total commerçants du « ça rapporte, c'est tout ce qui compte ! » Diantre, dans quel monde on vit !

Allez, un coup d'épée dans la viande, nous voici dans le vif du sujet !

Pour le coup, ça me rappelle un commerçant sans vergogne, à qui j'avais demandé un poulet. Un poulet rôti, bien sûr ! Grillé comme il se doit, avec une peau craquante et roussie à point.

- Le poulet, vous le voulez normal ou fermier ?

J'ai bondi en moi-même, offusqué, renfrogné. Comment un homme, un être humain, pouvait-il avoir avalé tout cru, l'idée qu'un poulet aux hormones pouvait être un poulet normal ? Et un poulet fermier, c'est à dire normal selon sa nature, pouvait être un poulet supérieur ? Sans se rendre compte que le poulet aux hormones était un faux poulet ! Un poulet malade, oui, j'ai bien dit malade ! Au même titre que la société qui l'a produit ! 

Un poulet fermier c'est un poulet normal ; pas un poulet supérieur ! Tout comme un poulet bio, c'est par définition un pléonasme !

On a placé le label « normal » bien en dessous de la normalité, qui elle, a pour référence la nature elle-même ! Dites-moi, plaisanterie mise à part, c'est quoi un monde civilisé ?

Logique oblige, notre pouvoir d'achat réel est donc égal à notre capacité à acheter des aliments bio, sinon c'est un mensonge contre-nature ! Il n'y a rien d'original à acheter bio, puisque c'est naturel ! En dessous du bio, c'est quoi ? De la merde, okay ! Mais notre pouvoir d'achat est basé sur notre pouvoir d'acheter de la merde ou des aliments naturels ? Notre pouvoir d'achat doit donc être calculé sur le prix du bio ! Rien de moins !

Bon, revenons à notre sujet ! Et puisque, dit-on, l'art est un subtil reflet du monde, autant appuyer sur le champignon ! Et pas l'atomique, bien sûr ! Avec ce terrible constat : Le nihilisme ambiant dans les créations actuelles est donc le reflet  de notre civilisation. Pas beau à voir….

Bon, reprenons ! On nous a conditionné pour ça ! Même les élections sont programmées ainsi : Des one man show tenus par de mauvais pantins bardés de promesses, de vulgaires poupées  articulées de loin par des intérêts qui les dépassent.

Des marionnettes du star système ! Et pour nous convaincre, ce n'est plus seulement les idées qui comptent, c'est le style, la prestance ! Le son, la parure et l'emphase ! Le superflu, l'extérieur, le paraître ! On croit rêver ; on cauchemardise ! On est civilisés, bigrement ! Le rien fait figure de norme, et c'est énorme ! Après le poulet aux hormones, voici la conscience aux hors normes ! Et la continuité du rien, c'est la norme !

Toi l'artiste, dans le monde où tu vis, tu n'es plus qu'un produit ! Tu coûtes tant, tu vaux tant, tu rapportes tant ! Et éventuellement, ça te rapporte un peu. Mais ça c'est secondaire ! Et en plus, si tu as rien à dire, c'est mieux ! C'est tant mieux !

« Peins et tais-toi ! Peins, sculpte ou chante ! Compose ! Divague et fais-nous rêver ! Bravo l'artiste ! On compte sur toi ! C'est tout ce qui compte ! »

« Et puis et puis... Tu peux toujours créer n'importe quoi, pourvu que tu épargnes pour ta retraite et que tu cotises, ça nous remplira les caisses. »

« Hein, tu veux dire quoi l’artiste ? Un monde meilleur ? Allons, ne rêves pas ! Et puis je vais te dire un truc, moi ! Le fond de ta pensée, c'est bien mais c'est secondaire ! Ne rame pas à contre-courant, on s’occupe te toi ! C'est pas très mode pour l’instant, c’est pas vraiment dans le vent. Et puis, ça ne te rapporte rien. Financièrement bien sûr ! Tes belles idées, mets-les de coté, allez ! Et puis et puis, et puis même, ça peut nuire à ta carrière ! »

« Allez ! Ce qui compte, c'est ton ambition personnelle, ta réalisation artistique et marchande. On peut t'acheter et acheter ton art ! Au fait. ! Tu es coté combien ? Tu vaux combien ?»

Putain de marchandise !

Moi au début, je croyais qu'un poulet courant dans la nature c'était normal. Que les artistes, c'était comme les docteurs: Indispensables !

Je me souviens d'un cadre supérieur, en vacance dans un club de plage, qui me disait :

- Je suis stressé toute l’année. Alors pour moi, lorsque je viens passer des vacances chez vous, au bord de la mer, vous faites office d'infirmiers !

Une autre vision du monde, et sa façon de l'appréhender ! Le plus marrant, c'est que dans la société, l'artiste paraît hors norme, alors que dans la norme du monde, l'artiste a sa place !

Et c’est d’autant plus exact que les siècles en témoignent. Étonnant, non ? Regarde ! A mon avis, trois choses essentielles cicatrisent le monde: Les conflits, les sciences et les arts ! Est-ce trop peu que de dire que les guerres aboutissent au désastre, que les sciences évoluent inexorablement et se réajustent, alors que l'art est intemporel ? Témoin inébranlable des siècles !

De ce point de vue là, et comparativement, il est ce qui force le respect. Bon d’accord, on pourra toujours argumenter que les croyances marquent aussi de leurs sceaux les civilisations. Tout comme les révolutions. Oui, c’est vrai. Mais même leur transmission est tributaire des arts et de son expression populaire !

Pour nous artistes,  une charge nous est échue. C’est tous ces talents dont nous sommes à la fois les réceptacles et les garants, et qui nous indiquent aussi la route d’un long chemin à parcourir…

Mais la récupération commerciale sonne bien souvent le glas des justes ambitions. Au profit de qui, messieurs les marchands ? Tant d’artistes vous cracheraient à la gueule, s'ils en avaient le pouvoir. Car tous vos jeux sont truqués...

C'est ce soucis de rentabilité qui  agace ! Quel rapport avec la création, s'il n'y a que cela ? Est-ce la fin et le but en soi ? C’est une tromperie effrontée. Et beaucoup d’artistes s’y laissent prendre. Par mercantilisme et par avidité.

Honte à toi l'artiste, qui a remplacé une oeuvre vendue par une oeuvre peinte à l'identique, réalisée en trois fois rien de temps, par soucis de rentabilité ! Honte à toi ! C'est tellement fréquent ! Tu n'es mis en vente, toi et ton oeuvre, puisque tu te vends pour rien ! Tu ne mérites même pas le nom d'artiste ! T'es rien ! Et tu pourris le monde avec tes prétextes foireux, tes hormones de l’esprit. Tes sous-produits, tes presque rien !

Tu ressembles à ce monde : Tu vaux rien et tu coûtes tant ! T'es rien de plus ! Et la valeur de l'argent n'est pas une valeur en soi ! Au fait, tes valeurs, c'est quoi ?

Putain de rebelles, c'est nous, toujours à la recherche d'un trésor. Celui-ci n'étant pas fait de pièces d'or ! Putain de rebelles ! Sur toutes les mers du globe ! Putain de rebelles, c'est nous !

°°-

T’as vu les infos ? Du moins ce qu’il en reste ? T’as vu ce qu’on veut bien nous faire avaler ? J’te le dis moi, on nous prend pour des moutons ! Et il y en a beaucoup effectivement ! Des moutons qui gobent sans sourcilier, et qui bêlent idiotement. Mais bon ! T’as vu les journaux ? La désinformation organisée nous est servie sur un plateau, mais aucune voix ne s’élève. Tout le monde râle mais se tait. Recroquevillé bien sagement devant des postes de télé, le cul affalé dans des banquettes de croque-mitaine, à se gargariser des nouvelles du jour, sans broncher.

Histoire de brouiller les cartes, on assimile même l'exceptionnel à de l'info, sur lequel on se polarise à outrance, alors que le plus souvent les grands sujets sont aseptisés, détournés, caricaturés, voire complètement ignorés. L'info à vomir, bardée de sensationnel, oublie pourtant une chose capitale: Un jour ou l’autre il faudra rendre des comptes et nous dire qui, en coulisses, tire les ficelles de ce monde désarticulé.

Et nous, avec notre âme d'artiste, nous rêvons d’un monde meilleur, parce que ce monde-là est déjà en nous. Ce que nous créons n'est qu'un cri, une alarme, un bond en avant, une arrière garde, une défiance, une méfiance, un éclat de rire, une mise en garde !

Tout comme nous façonnons aussi les espoirs, les meilleurs espoirs, les yeux couleur beauté, les rêves d'un monde enfoui en nous !

En nous ! Nulle part ailleurs ! Et ce monde enfoui germe chaque fois d'autant plus que nous le façonnons de nos doigts, de nos larmes, de nos doutes et de nos espoirs ! Voilà pourquoi nous sommes artistes ! Notre terre est en nous, nos semences sont nos rêves, notre pluie c'est nos larmes, et notre soleil dardant de mille feux c'est nos espoirs les plus intimes.

Nous sommes créateurs de mondes. C’est notre nature de parler, de créer, de réagir, de refaire surface, encore et encore.  

C'est notre nature ! Qu'on ne peut nous arracher ! Tout juste faire taire, étouffer pour un temps. Un temps seulement. L'artiste renaît toujours de ses cendres, et tel le Phénix, entre en scène et restitue le spectacle ! Crevant le voile ! Ouvrant les yeux !

Nous sommes des créateurs !

°°-

Et pendant que des millions de gens crèvent de faim, quelques nantis s’arrogent aussi le droit de détruire notre planète. Ils ont droit de vie et de mort et de marchandisation sur toute forme de vie. Ils s’octroient le droit d’être seuls régents des ressources terrestres, bénéficiaires des biens communs à l’humanité, et ce, à leur seul profit !

Ils sont la honte du monde et se présentent comme son élite ! Les barbares ont bien des noms !

Alors dis-moi... Il paraît que ce qui est rare est précieux ! Il me semble pourtant que lorsqu'il ne restera plus qu'un arbre, celui-ci ne vaudra plus rien ! Non ?

Moi je pensais plutôt que c'était la forêt qui était précieuse, c'est à dire l'ensemble des arbres. Non, non, il en ont décidé ainsi: Ce qui est rare est précieux !

Peut-être pensent-ils de même au sujet des êtres humains, que ce qui est rare est précieux, comme eux !

Alors je comprends mieux pourquoi on assassine à tout va ! Alors je comprends mieux pourquoi on affamine à tout va (du verbe affamer couplé avec le mot famine, na !), parce que chez ces gens-là, ce qui est rare est précieux ! Voilà pourquoi les riches sont si peu nombreux. Parce que pour eux ce qui est rare est cher ! Comme eux !

L'arbre qui cache la forêt…

Heu, la forêt ? Le reste de la populace ? Pour peu qu'elle respecte ce qui est précieux !

Docile attitude du laisser faire…

« Dormez bonnes gens, dormez ! Nous veillons sur vous ! »

Pas du tout rebelle le mouton ! Pas du tout ! Même quand on l'égorge ! Et si aisée à faire taire !

Le troupeau est assujetti, obéissant et reconnaissant. Surtout reconnaissant ! Envers son maître ! Son maître souriant, joyeux, guilleret, qui aime son troupeau, le protège des prédateurs.

Oh là là, les prédateurs ! Mais non, mais non, le maître veille sur vous mes brebis, c'est un bon berger. Il vous protège des prédateurs ! Et il vous mène vers de beaux pâturages. Pour vous nourrir et vous engraisser... Avant de... vous égorger ! Parce que la finalité du troupeau c'est l'abattoir !

Écran de fumée, écran de télé !

Trop d'arbres et de diversité, trop d'oxygène et de liberté, trop de croissance générale à partager est nuisible ? Trop de trop !

Minorité flagrante au crochet des nations. Nobles pouvoirs du non-partage !

J'ai compris pourquoi on abat les arbres et les forêts ! Et j'ai compris aussi pourquoi on assassine les peuples. Ils sont persuadés que ce qui est rare est cher ! L'élite des nations !

°°-

Et pourtant, la beauté d'une oeuvre d'art tient aussi de son aspect unique.

Une pièce unique est un peu de toi-même, pour peu que tu l'aies créée. Incluse dans une réalité qui t'es propre et que tu donnes à voir ou à entendre. Malgré toi. Pour vivre ou te sentir vivant, ou vivante, tu te dois de transmettre une part de cette réalité, exprimée partiellement tout au long de ton cheminement personnel, par les jeux des miroirs de ton âme et des suggestions exprimées dans tes oeuvres d'art. Ce que tu donnes à voir ou à entendre, c'est une part de l'être que tu habites.

Je suppute même que nous recherchons tous l'être nu que nous sommes, nu à paraître et à découvrir, que nous avons habillé de goûts, d'idées et de convictions profondes, toutes volatiles ou presque face à cette nudité intime, justement, au cœur de notre monde intérieur. Car la réalité tangible, celle palpable de façon immédiate, n'est en rien le reflet de la réalité propre à chacun d'entre nous.

Il y a autant de mondes intérieurs que de « nous » personnifiés.

Chacun d'entre nous est une pièce unique, reliée à un tout. Notre beauté est notre inclusion dans un monde façonné à partir de pièces uniques. Monde enfoui ou caché à nos yeux malheureux, monde indicible que nous tentons de retrouver malgré nous, en façonnant grâce à l'imaginaire, toutes les armes de reconstruction massive pour s'y reconnecter.

Le malheur du monde c'est de cloner les sources et les pensées, les réactions et les créations, pour nous évincer de cette unicité, nous en éloigner même de l'idée. Or, même nos oeuvres d'art tendent vers cette idée à la fois magistrale et primordiale: la beauté d'une oeuvre d'art tient aussi de son aspect unique. Nous créons des oeuvres uniques parce que nous sommes uniques ! Non pas de façon condescendante, ridicule et emphatique. Marionnettes des institutions bien établies. Non ! Nous sommes uniques, chacun personnellement, parce que nos mondes réciproques sont uniques ! Parce que nous faisons partie d'un tout, en tant que pièces uniques !

Notre valeur propre est enfouie quelque part, rebelle et nue, lumineuse et flamboyante !

°°-

Il n’est pas facile de boire son cocktail quand on a une mouche dans son verre ! Que celle-ci remue ou soit morte d'ailleurs, n'a guère d’importance. Boire le nectar avec une grosse mouche imbibée d'alcool au fond du verre élimine tout envie de se délecter du breuvage. Fut-il le meilleur au monde. Question de bon sens !

Avant de choisir son cocktail, il faut inverser l'ordre des choses. Décider de ce que l'on ne veut pas pour pouvoir choisir ce que l'on veut. Jeter la mouche avant. Bien avant. Et pourquoi pas le verre aussi. Avant d'être servi et d'entrer dans la danse. Cela semble être une évidence, et pourtant...

L'idée peut paraître incongrue. Elle n'en est pas moins réaliste. Et j'en veux pour preuve cet insecte atypique pour un cocktail, cette grosse mouche effrontée cuvant au fond du verre.

J'ai beau commander les meilleurs jus, invoquer Bacchus ou Dionysos, et aussi Cupidon; là au fond de mon verre, si une vilaine mouche a élu domicile, je ne pourrai commander boisson.

Mais cet animal qui me nargue m'apprend une belle leçon. L'important n'est pas ce que je désire, ni même ce que je crois important. Je dois d'abord savoir ce que je ne veux pas, pour pouvoir ensuite sur mes désirs emboîter le pas.

A chaque fois que vous buvez cocktail, pensez à regarder au fond du verre. Et si même l'on vous offre à boire, juste avant que l'on ne vous serve, n'hésitez pas à demander:

- Avec ou sans mouche ?

Et dans vos décisions, pareil !

°°-

Ah, un autre détail qui a son importance puisque tu es monté à bord. Parole de rebelle ! Les critiques d'art, c'est comme le copinage. C'est promotion papier selon les intérêts et l'air ambiant, les modes, les styles. Ce n'est que de l'esbroufe, pourvu que ça rapporte. D'où cette création d'élites dans les milieux contemporains. Attention, chasse gardée s'abstenir ! C'est rarement objectif, bourré de paroles et d'écrits emphatiques et conformes à ce qui est décidé en haut lieu pour nous. Décidé à notre place, sans nous les artistes !

Le couronnement des incapables ? C'est bien là tout leur programme !

Dans ce grand parc public de l'inculture généralisée, où vont paître tant de moutons faussement hirsutes, et dociles à souhait selon les modes ambiantes, les croque-morts de l'art se font encore du fric.

Nous, on n'est pas de leur monde. On vient juste y faire un tour parfois ! Fiers de leur accorder un peu de temps pour leur redonner... le salut des pirates !

°°-

Allez debout moussaillon ! Salut à vous les Artistes ! Coups de soleil dans les gencives. Des couleurs plein les yeux. Y a du soleil et des frissons sous la peau. Vive le renouveau ! Bon, d'accord, ce n'est que Miss Nature, belle et svelte déesse qui se pare encore de tous ses atours. Il n'en est pas moins vrai qu'elle nous en fait profiter généreusement !

Brise de vent, brise de sel, brise de parfums divers et de plantes odorantes et d'arbres en fleurs. Cœurs en fête, c'est de saison ! Voici le printemps, dégoulinant de saveurs et de piquants, dégoulinant de vie bourgeonnante et ravigotante.

Un jour peut-être, les larmes de pluie de tant de visages cesseront de se répandre sur la terre. Et  nous seront satisfaits de vivre enfin. C’est ce qui nous tient éveillé, l’œil aux aguets, cherchant la moindre trace de ce jour nouveau, plus noble et conquérant de lumière, comme jamais auparavant.

Et qui d'entre nous n'est jamais rentré dans cet état second, involontairement inspiré, créant avec tellement de facilité des espoirs inavouables, des espoirs puisque nous rêvons, tels des troubadours de l'impossible, chantres jurés des êtres libres dans un monde d'équité ? Et qui, de noirceur revêtu pourrait en prétendre le contraire ? Puisque c’est ce que nous cherchons tous !

L'idée même des élans artistiques, des idées créatrice, nous pousse à un monde meilleur.

Certes, n'avons-nous pas encore atteint les rivages insolents du printemps, humainement parlant. Mais qu’importe !

L'hiver probablement touche à sa fin !

°°-

Il arrive à chaque artiste de ressentir cela. Le creux, la vague ! Au cœur du gouffre !

Non pas au sommet, là où frissonne l'écume et où pulse la force. Non pas, là où surfer sur la vague fait côtoyer les caresses brûlantes du soleil et rivaliser avec la nature. Non, dans le creux ! Dans le ventre grondant des silences épouvantables. Comme si des tonnes d'eau allaient s'abattre inexorablement, mystérieuses et inaccessibles, impalpables et implacables pourtant. Comme si l'inspiration s'en était allée...

Ce silence au bout des doigts, au bout du pinceau, au bout de tout. Cette relâche si soudaine de l'inspiration devenue absente, vacante, ce rien du tout, ce doute, cet effroi... L'inspiration ! Quel désespoir lorsqu'elle s'enfuit, quel désarroi lorsqu'elle se fait désirer sans montrer le bout de son nez, dans les heures fébriles qui s'effritent sans elle. Comme si tout était perdu ! Momentanément. Comme si le sublime ne pouvait plus surgir à nouveau, l’inspiration désormais engoncée dans sa coque de noix, prisonnière...

Telle un mirage dans le désert, au cœur même des oasis, la vague est une constante de la vie réelle des artistes.

Cette balançoire subjective est la maîtresse des heures de gloire et la gardienne des heures captives.

Elle nous subjugue et nous enchante un temps, et nous remplit d'expectative ensuite.

Telle une roue imperturbable, elle oscille constamment jusqu'à nous rendre ivres. Nous bousculant dans ses rouleaux d'incertitudes, et nous rendant pareils à des fous repus d'ingratitude. Des fous, le plus souvent pourtant, à deux pas des nouveaux commencements et des rebondissements sublimes.

C'est une des constantes de la vie réelle. Mourir et renaître, mourir pour un temps et ressurgir, mourir malgré soi pour rejaillir immensément.

Lorsque l'artiste marque un arrêt, c'est bon signe ! Tel un papillon engoncé dans sa chrysalide, il s'apprête à déployer sa nature multiforme et colorée jusqu'aux limbes célestes ! De sa prison momentanée jaillira l'éclosion obligée ! Puisque l'inspiration née de cela !

°°-

Je vois que ça te rassure. Un léger sourire fait mine de se glisser sur ton visage. Et tu écarquilles les yeux avec une question au bout des lèvres. Les artistes sont-ils parfois des êtres hibernants ? Je répondrais oui, bien évidemment ! C'est même bon signe ! C'est le temps de la maturation.

Pas de panique donc, c'est l’inverse de toute production éhontée. Et le signe évident que tout va pour le mieux ! L'inspiration meurt et renaît selon des saisons qui lui sont propres. C'est comme la respiration, ça va et vient ! Lorsque l'inspiration se retire, elle revient chargée de vagues et d'écume. Selon le principe même des marées. Or, comble d'ironie, la plus grande peur des artistes c’est de perdre l'inspiration.

Pas de panique ! L'inspiration se cache toujours juste après les bouillonnements de création intense.

Un peu comme deux corps amoureux, heureux et ruisselants sur leur lit d'amour, qui devront accepter de s'endormir, pour au réveil se retrouver enfin !

Il n'y a pas de recette ! L'inspiration peut jaillir de n'importe où, avec ou sans nous !

C'est une vague éphémère, libre de tout, sans entraves et impalpable, impossible à conceptualiser afin de la mettre en cage, ou pour la conserver intacte, histoire de la réutiliser. Bien au contraire, ce serait la tuer.

On l'a souvent comparée à un oiseau déployant ses ailes ou cherchant à voler. On peut toujours puiser l'inspiration de quelque chose ou de quelqu'un. C'est ce que l'on dit généralement. En fait, l'inspiration vire vole autour de nous, et c'est tel ou tel évènement nous y donne accès subitement, comme se jouant de l'infortune et nous donnant les clefs nécessaires pour y grappiller ses trésors de l'instant.

Mais le mieux pour respirer, c'est d'oublier la respiration précédente ! A trop vouloir tout contrôler, on finirait par s'étouffer. Tout comme l'inspiration libératrice ne s'embarrasse pas de cages et de barreaux. Même le savoir-faire et la répétition à l'infini des acquis précédents peuvent y faire obstacle, tels des subverfuges du talent.

On confond d'ailleurs si souvent la création artistique avec la maîtrise technique !

Bien des artistes ressemblent à un oiseau bleu, tout revêtu de rêves au plumage majestueux.

L'animal pour paraître plus grand aux yeux du monde, et pour pouvoir être vu et se faire entendre surtout, s'est perché sur deux échasses. Élémentaire et fort pratique. Indispensable ! Ses échasses témoignent de son statut d'artiste, car dans notre monde pense-t-il, si tu n'es pas grand tu es petit !

Juché ainsi dans ses hauteurs, il domine sa planète, celle qui n'existe encore que dans sa tête mais qu'il s'évertue à construire autour de lui, sur cette terre noble et parfois aride qu’il est en devoir d’irriguer. Lui qui ne peut donner à boire que le jus de son talent, mais vers lequel on puise enfin des éclairs de bonheur, des éclats de lucidité. Libation au cœur même de l'intimité pour s'y désaltérer.

Ses échasses sont ses acquis, ses bagages d'artiste, ses réussites, ses récompenses, son expérience, sa reconnaissance vis à vis d'autrui, sa respectabilité, ses convictions intimes et nobles, ses certitudes indélébiles, son art et tout ce qui fait sa vie. Ses échasses avec lesquelles il sait se déplacer, marcher et travailler, conquérir et se faire apprécier, sont le fondement même de sa notoriété.

Mais le jour où l'oiseau voudra s'élever, s'envoler plus haut, gravir de plus belles cimes et se fondre dans l'inspiration elle-même, il devra, au moins pour un temps, accepter de se libérer de ses entraves. Au risque de ne pouvoir décoller du sol. Ses échasses, lourdes soudain, seront sont piège le plus sûr.

Seul l'oiseau acceptant sa modeste taille,  s'élèvera plus haut, lorsque libéré enfin de ses échasses, il oubliera sa condition d'artiste. N'ayant plus rien à prouver !

°°-

Le poisson dans son bocal, résigné dans sa tour de verre, ne connaît rien de la haute mer. L'animal blasé se contente de peu, il se laisse gaver résolument, forcément tributaire des béquetées lancées par des doigts bienveillants. Le poisson s'imagine qu'un magicien nourricier se penche au-dessus de lui et l'admire.

Car le geôlier est souriant et attendrissant. Attentionné envers son prisonnier soumis. Maigre pitance, piteuse subsistance, pour une piètre existence en vase clos...

J'ai du mal à imaginer, dans de telles circonstances, un oeil critique de la part du poisson. Ses nageoires lassées ramant encore, tellement habituées à tourner en rond...

Et que faire d'autre, sinon tourner et retourner, puisqu'il n'y a rien d'autre à faire.

D'ailleurs personne ne se révolte tant qu'il y a à manger, ni ne va chercher plus loin que son bocal.

Car la curiosité s'est affadie par l'indifférence et la suffisance a remplacé le bon sens, et même sous le couvert des libertés, si tant est qu'elles soient exprimées, le bocal ne produit que des prisonniers volontaires.

Jusqu'à ce qu'il vienne à se briser !

°°-

A bien observer bon nombre d'artistes, une chose est certaine, ce sont des êtres vraiment à part !

Quel doux euphémisme que l'expression: C'est un artiste original ! Pourquoi ne pas, dans la même veine, déclarer aussi que l'eau est mouillée...

Les artistes ? Ils ont toujours quelque chose qui dénote du commun des mortels, un je ne sais quoi d'originalité. Pas vraiment à coté de leurs godasses, et pas vraiment dedans non plus. Ni vraiment en marge, ni vraiment intégrés.

Ils sont là, quelques part dans l'espace des êtres. Et ils ont cette manie irritante de s'arroger quelques savoirs fugaces, quelques vérités de l'instant, quelques impertinences fondées sur une observation originale de la réalité, parfois déformée pour mieux la faire valoir.

Les artistes ont cette impénitence caractéristique, cet abus de raison, ce contre sens face à la raison définie comme telle.

A bien les écouter, et pour peu qu'on leur permette d'ouvrir la bouche, leur logique est souvent en porte à faux avec les concepts stéréotypés, les consensus fadasses, la pensée paranoïaco-formatée et globalisée...

Les artistes dénotent. Les artistes foudroient. Ils ont la particularité d'un grain de poussière dans l’œil, celle d'être infimes quant à la taille, mais fortement irritants ! Grains de poussière parfois, à la recherche des tempêtes de sable, les artistes n'en sont pas moins la langue du temps ! 

°°-

Mais dis-moi... T'as déjà vu un tigre végétarien, toi ? Moi non ! D'ailleurs, l'idée même de lui caresser les gencives un jour de jeûne, la rage au ventre, les crocs en alerte, ne me traverserait même pas l'esprit ! M'enfin bon !

Admettons ! Le tigre se décide à manger salades, ingurgiter légumineuses et faire la moue devant un étalage de viande.

Bon, admettons ! Admettons aussi que l'animal, en mal de câlins et de paix, décide de ne plus mordre, croquer, digérer tout cru les animaux sur pattes, humains compris.

Bon, admettons ! On peut toujours rêver ! T'as déjà vu un tigre végétarien, toi ?

C'est bien ce que je te disais !

Oui mais bon ! Admettons !

Un jour, l'animal, devenu inoffensif, ami des chèvres et des moutons, des mules et des vaches, se mit à faire bonne chair dans les rangées de carottes et de melons, légumes selon les saisons.

Les bergers contents, soulagés ainsi de pareille métamorphose, l'encourageaient vivement dans sa démarche. Un tigre végétarien, c'est pas commun et ça se fête !

Au grand dam des cultivateurs, qui eux, préféraient préserver leurs champs en lui tirant dans les flancs. Mais bon, la vie est bien injuste...

Le tigre ? Ah oui ! Au bout de quelques temps, on pouvait même lui mordre les oreilles, lui marcher sur la queue, lui botter le train arrière, et le griffer dans sa toison. Et c'est d'un sourire dédaigneux que le bel animal ne répondait mot. Des jours durant, des années peut-être...

Jusqu'au jour où, perdant patience, il se mit enfin à se plaindre. Il se devait de répondre aux agressions puisque d'équimoses son corps recevait leçon.

Oui mais... Désormais, bouffer les agriculteurs lui semblait déraison, et bien sûr, revenir becqueter des moutons était trahison. Il finit pas se convaincre que de montrer ses crocs pour faire peur et horrifier populace était la meilleure solution.

Tout comme le bourdon auréolé de bruits nous fait entendre raison. Qui n'a jamais eu peur du bourdon ? Et qui peut prétendre avoir été piqué par lui ? Le bourdon, inoffensif, fait peur et se fait respecter par autrui grâce au bruit assourdissant qu'il vombrit à nos oreilles... Sacré bourdon !

Le tigre s'extirpa de sa situation en apprenant du bourdon cette superbe leçon ! Le plus marrant chez le bourdon, c'est sa propension à paniquer autrui, et, tout en faisant du bruit, demeurer inoffensif !

J'ose imaginer derrière cet hélicoptère à six pattes, grossièrement bourdonnant et vorace de tympans, quelques sourires malicieux ! Le tigre bientôt se mit à rugir ! Et du respect il inspira !

C'est comme dans la vie, j'te dis, pour te faire respecter, plutôt que de rester tapi dans ta tanière, vas plutôt faire un peu de bruit !!!

°°-

Le truc c'est ça ! Tu bouffes à la petite cuillère des lampées de propagande, tu t'identifies sans chercher à comprendre, tu deviens un allumé de la désinfo, tu sais qu'on te formate à distance le ciboulot, t'es pas vraiment confiant dans ta téloche, car tu sais qu'elle est moche ! Mais le pire... Le pire, c'est que tu le sais ! Et alors...

- Et toi, tu fais quoi dans la vie ?

- Moi ? Poubelle !

- Poubelle ?

- Oui oui, poubelle ! Je fais poubelle !

C'est dire comme c'est en vogue, à la mode, dans le vent ! Poubelle, c'est devenu un sacerdoce. Au début ce n'était pas donné à tout le monde. Mais chacun y a mis du sien. Maintenant, chacun y fait carrière ! Tu parles, puisqu'il y a de la promotion dans l'air, autant en profiter ! Chacun se rue sur l'aubaine, et si tu ne fais pas carrière comme poubelle, t'es ringard, t'es plus dans le coup !

- Tu ne fais pas poubelle, toi ? Pfou...

Pour faire poubelle, c'est tout un apprentissage. C'est pas inné, faut faire un effort ! Et puis ensuite, ça vient tout seul. C'est mécanique, au bout d'un certain temps c'est presque automatique.

A la fin, on oublie même qu'on est une poubelle. Et le mieux pour apprendre, c'est de faire comme tout le monde...

La tribu poubelle a tout un savoir-vivre, des rituels et des codes élémentaires. Elle a même ses champions ! Il paraît même que si les poubelles de luxe ne côtoient pas forcément les poubelles de bas étage, toutes s'entendent à merveille pour dénoncer les récalcitrantes ! Celles qui ne rentrent pas dans les rangs !

Ben quoi, un troupeau de poubelles bien rangées, c'est mieux que des poubelles qui n'en sont pas ! Dans le royaume des poubelles, l'ordre est de rigueur !

Il est hélas des non-poubelles qu'on n'admet pas.

Il paraît que ça fait tache !

°°-

Moi, j'aime bien que chacun soit unique. Car nous sommes tous uniques. C'est d'autant plus évident dans une relation amoureuse. L'être aimé devient une personne unique. Et même les défauts se transforment en particularités.

L'amitié est régie par les mêmes lois. C'est une relation de confiance qui s'établit, avec l'idée de se savoir complices. Et surtout, c'est les différences qui sont autant de chances.

La perfection n'existe pas sans l'imperfection apparente.

°°-

Avant que ne s'installe l'interdiction de rire, de piailler, de geindre et de débiter des conneries monumentales, sous prétexte que le sérieux est de mise et que l'heure est grave, crachons de concert contre les cons réunis ! Et puis, vidons nos organes des fanges bénéfiques, roulons des mécaniques devant les dragons du pouvoir, flirtons avec la bassesse de croire encore à la vie, et pissons dru contre les pourceaux de l'ennui.

Digérons l'instable, et rions de concert, épousant d'un clin d’œil chaque pléiades, et tant mieux si la bête gémit. Sa douleur n'en sera que plus grande. Elle sera piétinée par une foule galopante, arrogante, magnifique et fière.

Et nous, nous danserons sur chaque motte de terre. Brassant des confettis d'étoiles…

Le futur nous appartient !

°°-

Imaginons un homme construisant une cage, que dis-je, une prison avec de grands barreaux, pour bien voir à travers et scruter inopinément les alentours. Une prison dorée, avec presque rien dedans, presque rien, si ce n'est les clefs ! L'homme se tenant à l'intérieur, fier de lui, s'y enferme à double tour, puis s'exclame dans un élan de fierté:

- Je les ai, je les garde !

Tout en agitant les fameuses clefs, l'homme s'est enfermé pour longtemps.

Très longtemps. A l'intérieur !

Sa cage, qu'il polit tous les jours désormais, avec la plus grande attention, ce sont ses jolies phrases apprises par cœur pour faire illusion et convictions, ses tirades de lieux communs, ses prétextes à la surdité, ses concepts rigides en forme de bouclier, ses eaux stagnantes depuis des lustres...

L'homme parait bien portant, mais quelque peu endormi. Il sautille sur lui-même comme pour agiter une espérance de vie. Mais ses concepts sont à ce point soporifiques qu'ils agissent comme un calmant ! Pour que la vie lui paraisse indolore, pour éviter la peur panique du vide sidéral, il s'est barricadé derrière les barreaux de sa cage. Et en agitant ses clefs régulièrement, il s'écrit tout fier:

- Je les ai, je les garde !

Et sa prison devient désormais le meilleur prétexte à son apathie volontaire. On a construit ainsi bien des barrières, de confortables barreaux, si pratiques pour enfermer les gens, en offrant les clefs aux prisonniers pour qu'ils s'enferment eux-mêmes. Pour chaque humain barricadé derrière des convictions édictées. Qu'il s'approprie pour les croire personnelles.

A tord !

On a construit des castes et des classes sociales, des riches et des pauvres, des noirs et des blancs et des jaunes et de toutes les couleurs, des cultivés et des ignorants, des conformes et des non conformes, des bons et des méchants, des axes du bien et du mal, des rentables et des pas rentables, des chefs et des serfs, des fous et des bien-pensants, des élites et des sous-produits, des nobles et des vils, des travailleurs et des fainéants, des riches et des pauvres, des croyants et des athées, des génies et des cons...

Toutes ces prisons préfabriquées, confortablement installées dans l'inconscient collectif, grâce aux clefs de l'asservissement volontaire, et la conviction largement partagée qu'il ne peut en être autrement.

On a même érigé des religions en dictat, pour remplacer Dieu, s'il existe, ou pour prendre sa place, qui sait. On nous a imposé des modes de pensée, des pensées obligées, des pensées notoires, des vérités trafiquées plus vraies que nature, et qui lavent plus blanc que blanc, et qui sont plus vraies que vraies, de merveilleux mensonges et d'affolantes tromperies. Afin surtout que, devant le nombre de barreaux à scier, on n'ait même plus le réflexe de s'échapper. Et fiers de nos acquis, de nos connaissances, de nos peurs et de nos illusions, nous brandissions encore ces maudites clefs en tonitruant:

- Je les ai, je les garde !

La cage se veut pratique et surtout déculpabilisante. Ses prétextes, justes ou non, ont le pouvoir de nous absoudre de toute conscience. Seuls ses propos font office de référence. L'homme n'est plus tourné vers l'extérieur, puisqu'il a toutes les bonnes raisons du monde de rester prisonnier. Il s'est déconnecté d'autrui, et privé de l'inconnu. Il n'a plus vraiment les mains tendues pour donner et recevoir, sauf pour ses intérêts particuliers. 

Normal, il s'est concentré sur son propre nombril qu'il caresse régulièrement. Centre du monde au pays des centres du monde ! Il nettoie sa propre prison tous les jours, elle est briquée, impeccable !

De toute évidence, ce n'est pas des gens qui se donnent bonne conscience dont la terre a besoin. C'est des gens qui en ont une !

Une conscience libre et qui ne s'achète pas, volontairement et profondément humaine. Seuls les carnassiers vont vers autrui dans un but intéressé.

Ce que j'écris ici ne règle rien des chaos de ce monde de douleurs. Il émet toutefois une idée simple: Donner un peu de soi, rajouté à ceux qui donnent un peu d'eux-mêmes, multiplié par le nombre de gens volontaires pour un monde meilleur, ça nous donne un total incalculable d'actes créateurs.

Tu sais, les banquiers ont la même tactique ! Ils te volent un billet, et font de même à 50000000 personnes comme toi. Et ça leur rapporte donc 50000000 billets supplémentaires !!! Grâce à un billet volé, quel que soit le prétexte sur ton relevé de banque. Fais tes comptes, tu verras !

Mais imagine: Un acte volontaire et humain, profondément humain, multiplié par 50000000 mains volontaires ? Tu as compris, ça fait beaucoup ! Se sentir humain et utile, enfin ! Utile, tu te rends compte ?

Débarrassé des carquants ! Libéré des idées étriquées !!! Libre !!! Libre enfin !!!

Tous les bons prétextes ne sont que... des prétextes !!! Nous sommes les prisonniers volontaires d'une prison dont nous seuls avons les clefs. Mais donc, logique oblige, c'est nous qui avons les clefs !!!

Nous avons les clefs !!! Tu entends ? Nous avons les clefs !!! Et nous sommes plus nombreux que ceux qui nous dictent de rester enfermés.

Okay, sortir de tes geôles a un prix. Mais, même s'il te fallait mourir pour tes convictions, n'aurais-tu pas intérêt à sortir de ta prison ? 

°°-

Je sais, je sais ! Les heures se précipitent et l'horloge du temps nous décline un tic-tac semblable aux battements du cœur. Le monde, happé dans sa course folle, se dirige droit devant l'impensable, tel un essaim de moustiques vers une lampe halogène.

J'entends déjà le crépitement des ailes brûlées.

Aveuglés par la lumière, les insectes dévoreurs finissent leur course lamentablement.

Les humains, dans leurs mimiques condescendantes, leur emboîtent le pas !

En apparence, le rêve d'une humanité décente, tel un avion en perdition, commence sa descente mortelle. Tragédie ? Pas vraiment ! C'est bien de vivre en cage, de survivre plutôt. Mais bon... Il en est ainsi depuis des siècles !

L'humanité prisonnière est imbibée d'espoir... Mais l'espoir ne délivre pas !

Le jour viendra où ce monde pourri jusqu'aux racines, auquel nous participons tous malgré nous, décapité enfin, exigera de vivre autrement. Quel qu'en soit le prix à payer, ce vieux système croulant avec ses concepts foireux prendra fin, et ce ne sera que justice.

Nous survivrons peut-être, nous survivrons encore! Mais l'aube d'un jour naissant pointe son nez à l'horizon des ages. Tel un géant, il arrive à grand pas.

Et ce matin là, nous les poètes, les artistes et les rebelles, nous saurons que depuis toujours nous avions raison !

°°-

Et puis, désolé de ré-écrire le monde, mais le cannibalisme n'est pas l'apanage d'anciennes tribus à la peau d’ébène. Tout comme nombre de pays à propos de l'histoire, quoique rosés de peau, auront du mal à montrer... pattes blanches ! Des nations entières, bouffées tout cru durant des siècles, auront fait les délices des royaumes nantis. Difficile désormais de nous faire croire que l'étranger vient manger notre pain, quand on sait la voracité avec laquelle nous les avons pillés. Les cannibales ont toujours de bonnes raisons pour se repaître grassement, allant jusqu'à nous faire rôtir aussi, oui nous aussi, pour se délecter de la viande. Survie de l'espèce ? Même pas ! Consumérisme surtout !

Et dire que le cannibalisme qui montre pattes blanches est surtout affaire d'opinions... Les bons c'est ici, et les vilains c'est là-bas... Axe du bien et axe du mal, dans le discours des... désaxés ! Pour mieux détourner notre attention !

A bien les entendre, il y aurait les élites du monde, et les autres... Et nous serions leurs protégés.

Une chose pourtant se fait jour peu à peu. Le cannibalisme sous toutes les coutures, culturel, financier, racial, le cannibalisme social aussi, existe toujours, déguisé comme il se doit, en beaux discours.

Point de droite ni de gauche, tous les oeufs pourris sont dans le même plat, et se partagent avec élégance la plus grosse part du gâteau, en nous laissant bien misérablement quelques miettes éparses. L'homme dévorant autrui, c'est l'actualité grandissante !

La peur fait bêler les moutons, et le troupeau resserre les rangs pour se protéger, à l'appel des chiens qui aboient.

Les moutons se sentent en sécurité dans cet enclos, ignorant que c'est le troupeau tout entier qui sera mangé, quand l'heure sera venue.

Paissez bonnes gens, paissez; dormez moutons, on veille sur vous, vous protégeant des loups qui hurlent au loin dans les montagnes.

Et dans l'abattoir non loin, les bouchers aiguisent leurs couteaux !

°°-

Tu n’es pas rebelle pour rien ! Et ce n'est pas en vain ! Le temps s'affole et se rit des lendemains. Le tic-tac d'une horloge grandiose accélère sa cadence, tel un écho vers nos battements de cœur. Indication précieuse: Voici venir les heures fébriles d'un matin qui se déploie. Au loin, l'aurore ouvrira bien grand les bras du ciel, avec ses fenêtres transparentes...

Tes yeux seront stupéfaits lorsque s'écroulera tout ce système bidon, ce mirage séculaire érigé par quelques nantis criminels en mal d'invasion planétaire.

Un jour, tu verras tomber tous ces fous de guerre en mal de démocratie caduque, tous ces bâtisseurs d'illusions hypocrites et stéréotypées. Ils tomberont d'eux-mêmes, comme les feuilles d'un arbre pourrissant. Les vers en rongent déjà le tronc. Leur fin approche et ils le savent. Derniers répit, derniers sursauts d'une bête déjà blessée.

J'entends déjà des rires au lointain, et des cris de joie aussi. Elle est tombée,  la grande illusion, telle un monceau de cubes inassemblables, un tas de jouets fumants perdu pour tous.

Tous leurs discours sentent le souffre. De débats nauséabonds en tromperies médiatiques, écoute-les disserter sur ces droits de l'homme qu'ils ne respectent même pas, camouflage parfait pour envoyer leurs envahisseurs, leurs voraces investisseurs financiers, leurs requins de multinationales. Pour leurs plus basses besognes, ils font appel à des gouvernements tiers, afin de rester irréprochables. Tu sais, la démocratie sent toujours le vomi lorsqu'elle sert de marche pied à ces gens-là !

Et ce monde là s'écroule ? Qui le pleurera ? Même la planète n'en peut plus et succombe ! Sacrée planète qui croule devant nos yeux impuissants, ou presque... Et puis quoi ? Tout s'écroule ? Tant mieux ! Ce n'est que justice ! Presque on s'exclamerait: Enfin !

Soyons honnêtes ! Un mal de dent ça se soigne. Mais lorsqu'il est trop tard, lorsque la dent est toute pourrie, on l'arrache ! Okay, ça fait mal sur le coup, mais ensuite ça va mieux ! J'te jure ! Faut dire qu'il y a bien longtemps qu'on a un terrible mal... dedans !

Bon d'accord, on ne va pas chanter des cantines guillerettes en dansant sur les cendres à venir d'un système désuet, puisque le plus dur reste à passer. Mais n'oublions jamais que le meilleur est à venir aussi, si le monde prend la peine, un temps soit peu, non pas de reconstruire, mais de construire autrement... Enfin !

°°-

L'art n'est pas la parure, le manteau de vison des grands de ce monde, et leur grandeur n'est que le signe distinctif du pillage collectif auquel ils nous ont assujetti. Ils aiment à imposer leurs lois. Ils n'ont de liberté que pour eux-même. Et depuis des lustres forcément, ils s'octroient le titre de régents de l'art et de la connaissance, collectionnant et spéculant à notre insu...

La culture est mise aux enchères, on crée pour faire du profit, seulement du profit, l'art est devenu une marchandise comme une autre, et sa reconnaissance officielle est un mensonge organisé.

Ils nous ont même fait croire que la valeur d'une oeuvre d'art est équivalente à sa valeur marchande, eux qui régulent tout pour leur seul profit !

Ils ne reconnaissent que les artistes qu'ils fabriquent eux-même, ceux qu'ils peuvent promouvoir facilement pour s'enrichir davantage. Ils en sont les gardiens incontournables, eux les faiseurs de tendance...

Attention requins !!!

°°-

Nous citoyens, devrions aller voter avec la même lenteur que l'administration s'occupe de nous. Qui se croit supérieur à nous, nous regarde de haut. Pourquoi donner sa voix à qui n'est pas notre égal ? Puisque des voleurs s'approprient nos voix, ces mêmes voix qu'ils n'entendent même pas !

« Eh ! Vous là-bas... Vous avez intérêt à courir vite, si le peuple se lève ! Pourquoi désirer nos voix, et nous mépriser tout aussitôt, dés la victoire acquise ? Et pourquoi, vous qui avez le pouvoir, êtes-vous si loin de nos préoccupations ? Ne demandez plus nos voix, si c'est pour les piétiner si facilement ! Vous avez de très beaux discours, oh oui, parfois même osés et sympathiques, mais vous êtes bien loin de nos besoins réels, et de nos exigences. Vous construisez ce qui fait votre petite gloire passagère, mais votre politique n'est qu'un égarement de mots ! Vous avez la vie belle et vous gouvernez sans nous ! Alors franchement, voter encore pour vous... Non-merci ! »

Vous avez intérêt à courir vite, si le peuple se lève !

°°-

Comme un arc bandé, les muscles tendus, les yeux rivés sur la cible, concentrés, nous éprouvons tous cette peur panique. Celle de déclencher, ou pas, l'inspiration soudaine. Afin de plonger corps et âme dans la réalisation d'une oeuvre avec une indéniable facilité d'exécution.

La tension est là, souveraine... Il parait que tous les comédiens, juste avant de monter sur scène,  éprouvent aussi quelques angoisses. Panique à bord… Surgit alors l'énervement momentané, l'aiguillon fidèle qui précède l'imminence d'un flux de création.

Il est stupéfiant d'écouter des musiciens ravis soudain par l'improvisation. C'est un spectacle incroyable, car la création entre en force et se fait évidence. Les doigts agiles rivalisent de génie, et l'harmonie coule de source. Et ce qui n'existait pas quelques temps plus tôt, prend jour subitement...

Et nous l'avons tous éprouvé un jour: Lorsque l’œuvre est enfin achevée, il se produit comme un silence de l'esprit, un plaisir intérieur indéfinissable, un repos idyllique avec soi-même. Combien de peintres ou de sculpteurs, par exemple, restent assis béatement devant l’œuvre tout juste terminée... Je suis persuadé que le grand secret des artistes, celui de pouvoir résister si longtemps, parfois toute une vie, aux aléas de la vie, c'est cet état de contentement tant recherché.

Les artistes ne sont jamais vraiment riches, mais beaucoup les envient. Et pour cause ! Ils ont accès aux mondes de l'esprit, bien malgré eux, lorsque enfin l'inspiration surgit.

L'inspiration est toujours momentanée. Elle se rit des consensus, des idées imposées, des momies académiques.

L'inspiration est bien ailleurs, dans son crépitement d'étoiles et ses bourrasques tumultueuses ! Elle est libre d'aller et nul ne peut la saisir. Essayez de l'attraper pour voir ! Elle n'appartient à personne, même pas à l'artiste. Mais d'elle, surgit tout le talent dont nous sommes les réceptacles.

Qui maîtrise vraiment son art ? Personne ! L'artiste ne maîtrise que sa technique, et il le sait ! L'artiste pourra toujours dire: J'étais très inspiré ! Mais il ne pourra jamais prétendre être l'inspiration ! Voilà pourquoi l'artiste est souvent étonné du résultat. Voilà pourquoi quelques traces d'humilité sont nécessaires. L'artiste n'est pas l'inspiration, et seule l'inspiration propulse l'artiste.

Voilà pourquoi les troupeaux d'ego démesuré ne sont que des simulacres d'existence, des êtres en mal de reconnaissance, habillés de clinquant et d'apparence. Cherchant toujours à prouver ce que l'inspiration ne veut plus leur donner, ou leur a enlevé. Car qui n'a rien à prouver, se tait bien volontiers.

Combien d’œuvres d'art n'avons-nous pas regardé, ou écouté, en nous disant: « C'est très bien fait, techniquement, mais il n'y a rien dedans ! » Ah ! Piètre illusion ! Simple reflet d'un savoir-faire amputé de sa source. Seul le talent accompagnant une technique maîtrisée donnera une différence de qualité !

C'est d'ailleurs bien là tout l'intérêt de l'art, ce filigrane commun à l'ensemble des créateurs. Ce mystère insouciant, bien au-delà du savoir, cette pulsation intime, c'est l'inspiration !

Telle une vague, parfois immense, elle déchaîne en nous des tempêtes déraisonnables.

Mais le plus souvent, elle se déguise en un chuchotement intime. C'est ce dialogue avec nous-même qui rejaillit jusqu'à l'ultime repos, fécondé enfin par l’œuvre réalisée. 

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La tension est nécessaire tout autant que la sérénité. Le bouillonnement intérieur n'est pas contraire à la plénitude. La folie créatrice n'est pas antinomique à la maîtrise de soi. Ces états d'apparences contradictoires sont plutôt complémentaires. Tout comme le froid et la chaleur sont des régulateurs.

Ainsi, le stress et le calme intérieur ne sont pas incompatibles et peuvent même cohabiter dans un même sentiment. Et la peur peut servir de propulseur grâce à la confiance en soi. L'harmonie peut résider dans le chaos, et c'est typique dans l'art, puisque déstructurer permet de structurer autrement.

Ainsi, lorsque l'artiste maîtrise réellement son art, sa création est une tension. Sa concentration lors de la réalisation, permet de se focaliser sur l’œuvre. Lâcher ses acquis lui permet d'aller au-delà de ses connaissances et d'explorer enfin ses buts ultimes. C'est le processus de la création, depuis l'ébauche jusqu'à l'aboutissement.

Ainsi, l'acte créateur est semblable à un arc bandé, à une flèche maintenue en direction de la cible jusqu'au geste libérateur. La tension de la corde est primordiale. Mais la finalité du geste réside dans son abandon ! Lâcher la corde est l'aboutissement de l'effort. Personne ne va fixer la flèche dans la cible, c'est ce mouvement qui s'en occupe !

Voilà pourquoi les artistes sont tendus avant d'entrer sur scène. Ils n'en sont que meilleurs lorsque vient le grand plongeon face aux spectateurs.

Le stress est donc une émotion désagréable qu'il faut apprivoiser, puisque l'accepter lui rend sa dimension propulsive.

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L'artiste est constamment en équilibre, tout autant dans sa vie que dans son art. Il ne sait pas vraiment ce qu'est l'art, mais il le façonne naturellement. Il ne peut définir ce qu'est l'inspiration, mais il en a l'expérience.

Ses acquis forgent ses convictions. Sa connaissance n'est pas un étalage de mots. C'est l'expérience d'un vécu. Les mots tentent d'expliquer, mais ne peuvent remplacer l'expérience. Tant de gens aiment à parler...

L'artiste est comme sur une planche de surf. Il attend ou recherche la vague, la force indomptable, celle qui donne naissance au meilleur de lui-même, bien malgré lui.

L'important c'est l'équilibre, le mariage avec le mouvement, l'identification avec la vague. L'important est de rester en équilibre sur sa planche et de jouer avec les déferlantes.

L'artiste ne sera jamais la vague, n'en déplaise à son ego. Il ne peut que se rendre maître de la technique, et complice du mouvement. S'il veut danser avec les dieux

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Combien de gens errent en habits de faux-semblants, en marchant à coté d'eux-mêmes, balayés par la marée incessante des illusions, des traquenards existentiels, des tromperies de toutes sortes ?

Combien de gens courent après le verbe avoir, comme on agite un filet à papillon, espérant toujours, amassant peut-être, se trompant surtout ? Et combien remplacent le verbe être par le verbe paraître, sans jamais savoir qu'avoir sans être c'est n'avoir rien ?

Même l'image qui se réfléchit dans la glace n'est qu'un avoir momentané.

Certains artistes ont de la chance. Ils puisent au fond d'eux-mêmes, et cet « ailleurs » de l'existence rejaillit à travers leurs oeuvres. C'est une énergie complice qui pulse à travers eux.

Au cœur même de l'acte de créer, il est un moment particulier où nous nous sentons nous-même, capables et doués, plus forts que d'habitude. Et il faut le dire, réellement géniaux comme par magie, mélangeant hasard et technique, et facilité de réalisation.

Nous sommes, dans cet instant particulier, au cœur de nous même. Et l'acte de créer nous satisfait, parce c'est le jaillissement de notre pulsation intime. C'est notre magie intérieure.

Le nihilisme dans l'art nous fait rugir, pouffer de rire, ou grincer des dents, justement parce que la « réalité » est ailleurs, nous le savons intuitivement ! D'autant plus que notre art n'en est que l'expression fugace. Un jeu de miroirs, tout au plus. Minimaliste forcément, puisque nous sommes à la recherche d'une pulsation intime toujours plus grande.

L'artiste est un éternel insatisfait, et à l'écoute de l'inaudible, il devient un voyant malgré lui.

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Ah ! La reconnaissance, la fameuse reconnaissance. Que ne tremble-t-on pas pour elle !

La reconnaissance est source de bien-être lorsqu'elle nous érige aux sommets, et source de mal-être lorsqu'elle nous ignore. Ah, ah ah !!! Cette peur de ne plus exister à travers elle. Ah, ah ah !!!

Cette gloire fantoche qui part en poussière à travers la main du temps. Ah, ah ah !!! L'ironique demoiselle ! La reconnaissance prend toujours son temps, elle n'est pas pressée. Car c'est nous qui courrons après, inlassablement. Oh, ce grand galop derrière les chimères. Oh, nous courons tous après. Oui tous ! Ah, ah ah !!! Et par troupeaux entiers dévalant l'existence...

Formidable croqueuse d'intentions, la coquine est certes élégante. La reconnaissance sait se faire désirer. Et si d'aventure elle daigne se pencher sur votre cas, de ses largesses elle saura vous rétribuer. Oui mais... Ah, ah ah !!! Ne rêvez pas trop longtemps. Ceux qui s'accrochent à elle, ceux qui s'agrippent aux limbes de leurs succès, seront toujours déçus par sa finalité. Comme une maîtresse ingrate, particulièrement infidèle, la reconnaissance va et vient, inconsistante. Elle est l'illusion d'un instant, d'une vie. Elle fait briller de mille feux alentours les yeux des convives. Puis elle se glisse avec vous dans les draps du succès. Vous vous confondez avec elle devant tous les visages complices. Sans vous soucier de quoi demain sera fait.

Puis elle vous désavoue un jour, publiquement, la garce... Ah, ah ah !!! Et croqueuse du temps toujours, elle vous enivrera encore, espérant vous revoir courir après, inexorablement... 

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Nous ne serons jamais satisfaits, parce que nous avons de l'amour propre. Nous ne serons jamais satisfaits, parce que le meilleur de nous-même est encore à découvrir.

Nous ne serons jamais satisfaits, parce que nous serons toujours à la recherche des pulsions créatrices, des lueurs de lucidité, des traces de génie, tout en sachant que notre art est en perpétuel mouvement, sans destination finale ni but à réaliser.

Nous ne serons jamais satisfaits, et c'est la preuve incroyable que nous pensons valoir davantage que ce que nous paraissons. Nous ne serons jamais satisfaits, tant que nous vivrons dans ce monde pitoyable. Nous ne serons jamais satisfaits, parce nous ne pouvons nous satisfaire de si peu.

Nous ne serons satisfaits que lorsque notre trésor intime, enfoui quelque part sous le sable, sera remonté à la surface. Et que chacun en aura sa part !

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A tous ceux qui ont peur de vivre, je dis: Il vaut mieux mourir vivant !

Combien sont déjà morts ou respirent à peine, bien calfeutrés dans leur pseudo confort, spectateurs passifs des boni mensonges, monceaux de cadavres volontaires par foule entière. Ils font pitié, et rager en même temps, tous ces sourds et aveugles décomplexés, tous ces complices passifs des médias de la nouvelle inquisition mondialiste...

Et pourtant je dis, à tous ceux qui ont peur de vivre: Il vaut mieux mourir vivant !

Je sais pourquoi les foules n'ont pas peur de leur emprisonnement. C'est parce qu'elles sont déjà mortes ! Rien de plus indolore que la mort ! Rien de plus indifférent à la souffrance que la mort ! Rien de plus léthargique que la mort !

Rien de plus manipulable que la mort ! Rien de plus insensible que la mort ! Tu m'entends ? Teste-toi juste un instant: Rien de plus insensible que la mort !

Si tu restes indifférent à la souffrance des peuples, à leur asservissement depuis des siècles, à leur lutte pour survivre et pour se libérer, à décider de leur destin, à choisir leur avenir, c'est que tu es déjà mort. Lamentablement, le cœur sec et les orbites vides, balayé par tous les vents....

Et si tu restes indifférent aussi au sol sur lequel tu vis, qui est dévoré progressivement, comme si un rat immense dégustait chaque jour un peu plus le peu qu'il t'a été donné de vivre dignement, sache l'ami, que la peste vient d'en haut et non des sous-sols. Et que les rats ont construit des galeries partout, partout...

Oh, mais tu n'es peut-être qu'agonisant. Si tu pouvais seulement réagir avant de mourir ! Puisque la mort est le lot de tout homme. Juste pour te dire qu'il vaut mieux mourir en ayant épousé la vie, plutôt que de mourir en ayant cru la vivre...

Si le simple fait de me lire te laisse indifférent, c'est que tu as déjà bien creusé ta tombe. Reçois toutes mes condoléances !

Adieu handicapé de la vie, né pour subir, né pour survivre, pour suivre aveuglément, pour paraître conforme. Ton fond de commerce, c'était la conformité. Tu seras vite oublié. Tu t'es trahi avec ta bonne conscience qui ne creuse pas profond, tu as baissé les armes, tu t'es confondu dans la masse, tu as lustré ton propre tombeau, tu étais fier d'être un mort vivant !

Seuls les morts te pleureront un temps, c'est tes semblables, mais un temps seulement. Glorieuse pourriture à l'image de ton existence...

Sache que le lot de tout être humain c'est la mort, et que tu vas mourir pour rien ! Mais fort est de constater que tu es déjà probablement mort, puisque tu as quitté la vie. La vie, celle qui pulse au fond de chaque cœur humain digne de ce nom, qui crie la vie, qui pleure la mort ! Combien d'êtres qui respirent encore ont épousé la mort par résignation ?

Même si tu ne veux pas regarder la mort en face, sache qu'elle ne t'a pas oublié, tapie dans l'ombre, prête à bondir ! Elle peut se régaler de quiconque, en ingurgitant voracement, d'un seul coup de dent, des millions de personnes. C'est le prix de la guerre et du sang, de l'inquisition mondiale et des colonisations barbares. De te savoir muet, elle rit aux larmes et se frotte les mains. Même la mort sourit et peut rire aux éclats. Ton silence et ta soumission sont le plus bel éclat de la complicité ! Tu as signé un pacte avec la mort en te laissant ensevelir par elle.

Voilà pourquoi ta bouche est bâillonnée, muette, tes yeux aveugles ou bandés, tes oreilles sourdes ou bouchées, ton cœur insensible et indifférent. Il y a belle lurette que tu n'es plus vivant. Peut-être un jour, as-tu commencé à l'être. Et encore...

Sinon rebelle-toi ! 

°°-

Nous, artistes, aimons rire et chanter, délirer, créer. Nous embrassons la vie dans ses moindres délices lorsque cela nous est possible, et nous bravons l'idée de la mort pour paraître immortels. La preuve ? Nos oeuvres sont le prolongement de nous-même. Nous cherchons tous à laisser une trace en ce monde. Désespérément. Ignorant volontairement que tout n'est que sable et poussière, et ce, jusqu'au grand départ. Le simple fait d'avoir besoin d'être reconnu est déjà le signe d'un doute fulgurant. Notre nature de créateur nous pousse à exister, bien au-delà de nos carquants existentiels.

Difficile donc de vivre dans ce monde déchu, ce monde à des années lumières de nos espérances les plus légitimes, ce monde si éloigné de notre boulimie de paix et de fraternité, d'égalité et de liberté.

Difficile aussi d'exprimer des idées pertinentes et nécessaires, afin d'assumer notre éphémère rôle de sentinelles, afin de se dégager de la fange d'un système qui s'englue pitoyablement, qui sent la poudre et la guerre, le sang et la haine, la propagande et le mensonge sous drapeau humanitaire, fabuleux prétextes à la soumission des masses.

On nous demande d'être sages, alors que nous devrions tous être fous !

Le temps s'est emballé, tel un carrosse furibond lancé sur les rails d'un destin chancelant. Demain l'aurore, peut-être. Mais en attendant, les heures défilent, à notre insu... Et le ciel d'avenir s'est chargé de prémices d'orage.

Je ne sais pas ce qu'il adviendra de l'art et de nos créations dans un avenir proche. Mais l'important est peut-être ailleurs, dans cette déraison de la vie qui pulse à bien des égards, et qui se fait fi des circonstances.

Notre non conformité à ce système fait de nous des étrangers, mais n'est-ce pas là notre fierté ?

°°-

Les arbres ne souffrent aucune perte lorsque tombent les feuilles mortes.

Ce noble abandon se transforme bientôt en humus. Et c'est un nectar de vie où puisent les racines. Ainsi se déploient les arbres regorgeant de sève, pour le prix modique de quelques feuilles mortes. A la faveur du printemps.

Il nous faut tous, un jour où l'autre, pour déployer nos ailes, déposer quelques baluchons de feuilles mortes...

Alors à nous d'écouter les murmures du cœur, ceux qui palpitent en secret sous la poitrine, en silence jusque dans le cœur d'autrui. A nous de cristalliser de l'or sur la peau, d'avoir du plaisir au bout des doigts, de façonner des merveilles.

Il nous faut tout réinventer sous les paupières de la nuit, et rire à gorge déployée devant chaque matin. Etre légers comme des plumes dans le vent. Avec des perles dans les yeux.

Laisser monter la sève étincelante…

Goûter le raisin de tout ce qui est gratuit... 

°°- 

Texte et images digitales : Lou Florian 

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http://flibuste21.canalblog.com/

www.lou.new.fr 

© 2010 Lou Florian. Tous droits Réservés.

ISBN : 978-1-4457-0708-2

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